Un magnifique ouvrage.
Située sur une place publique reliant plusieurs artères marchandes et donnant sur le vieux port, l'édifice est formé d'un encadrement en pierre taillée, coiffé d'un rebord de tuiles rondes de couleur verte et délimité, de part et d'autre, par deux colonnes en marbre surmontées de chapiteaux à feuilles lobées de style ottoman. Dans ce cadre est inscrit un rectangle en marbre, meublé par un arc en plein cintre outrepassé à claveaux noirs et blancs de type ablaq, répertorié en Tunisie depuis l'époque hafside. La base du rectangle est décorée d'un vase de fleur turquisant, gravé en marbre, d'où jaillissement deux rinceaux symétriques à fleurons stylisés et trilobés.
Je vous invite à visionner l'illustration vidéo:
L'intrados de cet arc, légèrement en saillie, est garni d'une inscription bilingue arabe et turque, composée de 13 lignes en écriture thoulouth, en relief. Elle comporte le poème suivant :
“Dieu a choisi un seigneur dans notre temps / pour faire des bienfaits et délier les attaches des nécessiteux : / L'honneur du temps, le dey Youssef / qui voit, en dépensant les finances, son bénéfice de commerce. / Il a fait couler les eaux de tous côtés / en attendant comme récompense de s'abreuver au fleuve al-Kaoutari. / Le débit public est à lui, regardez sa beauté ! / Grâce à lui Bizerte est devenue agréable au contemplateur. / Bois, ô assoiffé, de cette source délicieuse / dont l'eau limpide est comme sucrée ! / Quelle belle fontaine dont la date se résume ainsi : / Nous a créé la fontaine le chef des soldats. (1041)
“Par les soins du maître Ali ibn Disim al-Andalousi, début de rabi II de l'an 1041 [1632 J.-C.].”

L'abreuvoir jadis en marbre a complètement disparu. Auparavant, il y avait, derrière la fontaine, une salle occupée par une noria qu'actionnait un chameau ou un mulet.
Le sabil a été édifié par Youssef Dey, dey de la régence de Tunis (1019-1046 H / 1610-1637 J.-C.). Il fut restauré au cours des années 1990 et quelques fenêtres donnant sur la façade furent obturées.
Mode de datation :
Le chronogramme du dernier vers du poème indique la date de la construction de la fontaine, 1041/1632.
Reférences :
Gafsi, A., Monuments andalous de Tunisie, Tunis, 1993, p. 38.
Hannezo, G., Bizerte, Revue tunisienne, n° 49, 1905, p. 144